Valeur contractuelle du cahier des charges d'une ZAC
Le cahier des charges d'une zone d'aménagement concerté est un document contractuel qui s'impose à tous les propriétaires successifs de biens situés sur la zone considérée, même si le cahier des charges est devenu caduc à la suite de la suppression de la ZAC.
Les époux B… ont acquis le 1er juillet 2014 une parcelle qui était située dans la zone d'aménagement concerté de Maumarin (ZAC), créée le 30 mai 2005 et supprimée le 17 décembre 2013.
Au cours de l'été 2014, les époux B… ont fait construire une piscine, ainsi qu'un local technique de 4 m² implanté en limite de propriété.
Les voisins des époux B…, Mme R… et M. P…, impactés par la construction du local technique, ont assigné en référé les époux B… et le constructeur de la piscine sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile pour obtenir la démolition du local technique.
Les demandeurs invoquaient la violation du plan local d'urbanisme, ainsi que le non-respect du cahier des charges de la zone considérée, et se fondaient en particulier sur l'acte de propriété des époux B… qui reproduisait le cahier des charges de cession des terrains de la ZAC.
Toutefois, la cour d'appel de Nîmes, statuant en référé, dans un arrêt du 27 juin 2019, a rejeté leur demande au motif que le cahier des charges de la ZAC, devenu caduc, ne crée pas à la charge des époux B… une obligation de nature contractuelle et les propriétaires voisins ne peuvent ainsi se prévaloir de la méconnaissance des prescriptions du cahier des charges, pour obtenir la démolition de l'abri technique de piscine.
N'ayant pas été entendus par la cour d'appel de Nîmes, les consorts P… et R… se sont pourvus devant la Cour de cassation, qui a accueilli favorablement leur pourvoi et cassé sur ce point la décision de la cour d'appel.
Pour répondre au problème de droit soulevé par les consorts P… et R…, la troisième chambre civile de la Cour de cassation fonde son raisonnement, à la fois sur l'article 1134 du code civil [auj. art. 1103], selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, mais également sur l'article L. 311-6, alinéa 3, du code de l'urbanisme, qui prévoit que les cahiers des charges de cession de terrains situés à l'intérieur d'une zone d'aménagement concerté signés postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 deviennent caducs à la date de la suppression de la zone.
L'arrêt rapporté précise que la caducité des cahiers des charges des ZAC « ne fait pas obstacle à ce que les stipulations de ces cahiers des charges continuent de régir, en raison de leur caractère contractuel, les rapports entre les propriétaires qui y ont consenti ».
La troisième chambre civile de la Cour de cassation transpose au cahier des charges des ZAC une jurisprudence constante et récurrente, selon laquelle le cahier des charges d'un lotissement constitue, quelle que soit sa date, un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues (Civ. 3e, 18 déc. 1991, n° 89-21.046, Bull. civ. III, n° 328 ; RDI 1992. 302, obs. J.-L. Bergel ; 27 mars 1991, n° 89-19.667, Bull. civ. III, n° 106 ; AJDI 1992. 34 ; ibid. 35 et les obs. ; 21 janv. 2016, n° 15-10.566, D. 2016. 257 ; AJDI 2016. 442, obs. Marcie Morin et P.-L. Niel ; RDI 2016. 223, obs. J.-L. Bergel ; ibid. 301, obs. P. Soler-Couteaux ; RTD civ. 2016. 356, obs. H. Barbier ; ibid. 394, obs. W. Dross ; ibid. 449, obs. N. Cayrol ; 14 sept. 2017, n° 16-21.329, RDI 2017. 548, obs. P. Soler-Couteaux).
La cour d'appel de Nîmes, dans sa décision du 27 juin 2019, avait toutefois retenu un raisonnement inverse. Elle considérait qu'en vertu de l'article R. 311-6 du code de l'urbanisme, les cahiers des charges des ZAC étaient caducs à la date de suppression de la zone. Elle en avait déduit en l'espèce que les dispositions du cahier des charges de la ZAC, même s'il en était fait référence dans l'acte notarié des époux B…, ne créaient « pas à la charge de M. et Mme B… une obligation de nature contractuelle dont Mme R. et M. P… seraient susceptibles de se prévaloir pour poursuivre, au motif du trouble manifestement illicite résultant de la méconnaissance des prescriptions de ce cahier des charges, la démolition d'un abri technique de piscine contrevenant à celles-ci ».
La troisième chambre civile de la Cour de cassation censure l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes en considérant qu'en « se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la reproduction, dans l'acte de vente, des stipulations du cahier de charges, qui prévoyaient que tant les règles de droit privé s'ajoutant aux dispositions contenues dans le plan local d'urbanisme que les conditions générales des ventes consenties par l'aménageur devraient être reprises dans tous les actes de revente et s'imposeraient dans les rapports des propriétaires successifs entre eux et que le cahier des charges serait opposable à quiconque détiendrait tout ou partie du territoire de la ZAC, ne caractérisait pas la volonté des parties de conférer à ces obligations, par une stipulation pour autrui, un caractère contractuel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
La décision rapportée a le mérite de clarifier le régime des cahiers des charges des ZAC, et de l'uniformiser en cohérence avec le régime des cahiers des charges de lotissement, qui ont eux aussi une valeur contractuelle, opposable à tous les colotis entre eux.
Par Gatien Hamel
Source : Civ. 3e, 4 mars 2021, FS-P+R, n° 19-22.987.
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