Un Français de Monaco est imposé comme un résident français sur ses plus-values immobilières
La plus-value de cession d'un immeuble en France par un ressortissant français résident de Monaco est imposable à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux alors même qu'aucun des critères de résidence fiscale de l'article 4 B du CGI n'est satisfait.
La convention fiscale conclue entre la France et la principauté de Monaco permet-elle de soumettre à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux la plus-value résultant de la cession de biens situés en France par des ressortissants français ayant établi leur résidence à Monaco et non fiscalement domiciliés en France au sens des dispositions de l'article 4 B du CGI ?
Le Conseil d'État répond par l'affirmative à cette question. Concernant l'assujettissement des requérants à l'impôt sur le revenu, il confirme la solution dégagée par la cour administrative d'appel de Lyon (CAA Lyon 14-1- 2020 n° 18LY03360). En revanche, il annule l'arrêt d'appel pour erreur de droit sur la question de leur assujettissement aux prélèvements sociaux.
La plus- value immobilière réalisée en France par un Français résident de Monaco est imposable…
En matière de plus-value immobilière, deux dispositions du CGI peuvent fonder l'imposition :
- l'article 150 U qui prévoit que, sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus- values réalisées par les personnes physiques lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH ;
- par dérogation, pour les plus-values immobilières réalisées en France par des contribuables non résidents, l'article 244 bis A qui instaure, sous réserve des conventions internationales, un prélèvement proportionnel, distinct de l'impôt sur le revenu.
Conformément à l'article 7, paragraphe 1, de la convention fiscale conclue le 18 mai 1963 entre la France et Monaco, les personnes physiques de nationalité française qui ont à Monaco leur domicile ou leur résidence – et qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 – sont assujetties en France à l'impôt sur le revenu des personnes physiques dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France. Le Conseil d'État a antérieurement jugé que, par dérogation au principe de subsidiarité des conventions fiscales, la convention franco-monégasque détermine elle-même l'assujettissement à l'impôt sur le revenu (CE 1-2-2012 n° 340866 et CE plén. 11-4-2014 n° 362237). Il en résulte que les personnes concernées, alors même qu'elles ne satisfont à aucun des critères de résidence fiscale prévus à l'article 4 B du CGI, sont passibles de l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de leurs revenus comme si elles étaient domiciliées en France.
Dès lors, dans un contexte franco-monégasque, le Conseil d'État confirmant ainsi l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon, juge que les plus-values de cession de biens immobiliers situés en France réalisées par des ressortissants français ayant établi leur résidence à Monaco et ne satisfaisant par ailleurs à aucun des critères de l'article 4 B du CGI sont imposables à l'impôt sur le revenu en France sur le fondement de l'article 150 U et non sur le fondement de l'article 244 bis A, lequel s'applique sous réserve des conventions internationales.
… et soumise aux prélèvements sociaux
Sont imposables à la CSG (et autres prélèvements sociaux) les plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UC du CGI (CSS art. L 136- 7, I- 2°) ainsi que les plus-values imposées au prélèvement mentionné à l’article 244 bis A du CGI lorsqu'elles sont réalisées, directement ou indirectement, par des personnes physiques (CSS art. L 136- 7, I bis).
L'article 7 de la convention fiscale ne traite que de l'impôt sur le revenu, la CSG étant une imposition distincte. Dès lors, le Conseil d'État a jugé que cette stipulation, à elle seule, ne peut fonder l'imposition aux prélèvements sociaux (Avis CE 10-11-2004 n° 268852). En revanche, lorsque les personnes concernées satisfont par ailleurs à l'un des critères de l'article 4 B du CGI, les prélèvements sociaux sont applicables (CE 11-6-2014 n° 358301).
La cour administrative d'appel de Lyon, jugeant que les plus-values immobilières réalisées par des résidents monégasques devaient être soumises à l'impôt sur le revenu en application de l'article 150 U du CGI et non au prélèvement de l'article 244 bis A, en avait déduit qu'elles ne pouvaient pas être soumises à la CSG sur le fondement de l'article L 136-7 du CSS qui subordonne l'assujettissement des plus-values à la CSG à leur imposition au prélèvement de l'article 244 bis A du CGI. En résumé, les Français résidant à Monaco se trouveraient opportunément dans un vide juridique : d'une part, à défaut d'être fiscalement domiciliés en France, ils ne peuvent, en tant que tels, être soumis aux prélèvements sociaux et d'autre part, à la différence des autres contribuables non résidents, ils ne sont pas dans le champ d'application de l'article 244 bis A auquel renvoie l'article L 136-7 du CSS.
Le Conseil d'État rappelle néanmoins que l'article L 136-7 du CSS dispose également, en son deuxième alinéa, que les plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UC du CGI sont assujetties aux prélèvements sociaux. Dès lors, en admettant que les plus-values immobilières réalisées en France par des Français résidents monégasques relevaient de l'article 150 U, la cour d'appel commet une erreur de droit en affirmant que l'article L 136-7 du CSS était inapplicable dans sa totalité.
Sur renvoi, la cour d'appel retrouvera la question de la compatibilité de l'imposition à la CSG avec la jurisprudence de Ruyter (CJUE 26-2-2015 aff. 623/13), qui avait initialement motivé la réclamation des requérants car ils sont affiliés au régime de sécurité sociale monégasque. À cet égard, le Conseil d'État s'est déjà prononcé sur la question : les résidents monégasques sont des résidents d'États tiers et, en tant que tels, ne peuvent se prévaloir de la jurisprudence de Ruyter (CE 5-3-2018 n° 400329).
Source : CE 8e- 3e ch. 21-6-2021 n° 439354
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