Retour sur le dépôt hôtelier

La responsabilité de l'hôtelier n'est pas soumise à la preuve d'une faute, qui n'est prise en compte que lors de la fixation de l'indemnisation. En outre, la preuve est libre en matière commerciale.

On sait que le dépôt hôtelier, qui « doit être regardé comme un dépôt nécessaire » selon l'article 1952 du code civil, est soumis à des règles spécifiques, en partie issues de la loi n° 73-441 du 24 décembre 1973.

En particulier, l'hôtelier est soumis à une responsabilité de plein droit, qui n'est donc pas fondée sur la faute, mais encore faut-il rapporter la preuve de la valeur des objets volés ou détériorés, preuve qui est toutefois libre puisque l'hôtelier est un commerçant.

L'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23 septembre 2020 rappelle ces principes élémentaires de manière très pédagogique. En l'espèce, un couple qui séjournait au sein d'un hôtel a été victime d'un vol d'effets personnels dans sa chambre. Les intéressés ont alors assigné l'hôtelier et son assureur en responsabilité et indemnisation de leurs préjudices matériel et moral. La cour d'appel d'Aix-en-Provence avait rejeté leurs demandes dans un arrêt du 29 novembre 2018, en retenant qu'ils ne démontraient pas l'existence d'une faute caractérisée de l'hôtelier permettant de retenir sa responsabilité. L'arrêt fut censuré au visa des articles 1952 et 1953 du code civil : les hauts magistrats rappellent qu'« Il ressort de ces textes que l'hôtelier est responsable de plein droit en cas de vol des effets que les voyageurs apportent dans leur établissement et qu'en l'absence d'un dépôt de ces effets entre les mains de l'hôtelier, d'un refus de celui-ci de les recevoir, ou encore d'une faute de sa part ou des personnes dont il doit répondre, démontrée par le voyageur, les dommages-intérêts dus à ce dernier sont, à l'exclusion de toute limitation conventionnelle inférieure, limités à l'équivalent de cent fois le prix de location du logement par journée ». Ils considèrent donc qu'« En statuant ainsi, alors que la responsabilité de l'hôtelier n'est pas soumise à la preuve d'une faute, qui n'est prise en compte que lors de la fixation de l'indemnisation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

La solution est parfaitement juste au regard des textes cités par la Cour régulatrice. Toutefois, l'on peut observer que l'un de ces textes (l'art. 1953 in fine qui limite la responsabilité de l'hôtelier concernant les effets qui ne lui ont pas spécialement été confiés à l'équivalent de cent fois le prix de location du logement par journée. V. égal. art. 1954, al. 2) paraît contraire à l'esprit (si ne n'est à la lettre) du droit de la consommation, qui répute irréfragablement abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de « supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l'une quelconque de ses obligations » (C. consom., art. R. 212-1, 6°). Il s'agit là, en effet, d'une « clause noire », dont la seule constatation devrait conduire le juge à la réputer non écrite. Il est vrai, cependant, que cet article ne pouvait trouver à s'appliquer en l'occurrence, car, il suppose que la limitation de responsabilité résulte d'une clause, ce qui n'est pas le cas ici puisque c'est le code civil qui la prévoit. Et quand bien même cette limitation serait-elle rappelée au sein des conditions générales de l'hôtel, elle n'en demeurerait pas moins valable, l'article 1er, § 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs prévoyant que « Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont partis, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive ».

Les magistrats aixois avait également jugé que les intéressés n'établissaient pas la valeur des objets dérobés dès lors qu'ils ne produisaient que des photocopies de factures ou d'estimations qui ne présentent aucune valeur probante, les originaux n'ayant pas été fournis. Ils sont également censurés sur ce point, cette fois-ci au visa de l'article L. 110-3 du code de commerce : après avoir rappelé qu'« aux termes de ce texte, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi », la première chambre civile considère qu'« En statuant ainsi, alors que la preuve est libre en matière commerciale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ». Là encore, la solution est irréprochable, qui repose sur les principes les mieux établis (V. à ce sujet, C. Lachièze, op. cit., n° 553). On peut ajouter que la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence était particulièrement critiquable à l'heure où la copie fiable a la même force probante que l'original en vertu de l'article 1379 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Par où se vérifie, une fois de plus, que les règles relatives au dépôt hôtelier sont globalement très favorables aux voyageurs.

 

Source : Civ. 1re, 23 sept. 2020, F-P+B, n° 19-11.443

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