Prescription de l'action publique : d'intéressants rappels

Cet arrêt rappelle que les lois relatives à la prescription de l'action publique sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur, lorsque les prescriptions ne sont pas acquises.

La loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale a modifié en profondeur le droit de la prescription (J. Buisson, La réforme de la prescription en matière pénale par la loi n° 2017-242 du 27 février 2017, Procédures 2017. Étude 20 ; C. Ingrain et R. Lorrain, Réforme de la prescription pénale : la mise en œuvre et les conséquences inattendues de l'application immédiate de la loi, Dalloz actualité, 20 févr. 2017 ; A. Varinard, « La prescription de l'action publique. Une institution à réformer », in Mélanges Pradel. Le droit pénal à l'aube du troisième millénaire, Cujas, 2006, p. 605 s). Deux objectifs alimentent ce texte qui était, en son temps, très attendu : allonger les délais de prescription et remettre de l'ordre dans une matière régie jusque-là par de multiples exceptions et jurisprudences. L'intérêt l'arrêt rapporté est de préciser les modalités d'application de cette importante réforme du droit de la prescription.

En l'espèce, le parquet, après avoir diligenté une enquête dont le dernier acte d'investigation était daté du 14 novembre 2014, citait, le 7 août 2015, un individu devant le tribunal correctionnel des chefs de récidive de plusieurs délits commis au cours de l'année 2012. Le 19 décembre 2015, la juridiction saisie déclarait les faits établis et entrait en voie de condamnation. Le 12 février 2019, le tribunal correctionnel déclarait recevable l'opposition du prévenu, reçue le 26 décembre 2017, et annulait la citation du 7 août 2015 ainsi que le jugement subséquent. Elle retenait toutefois le prévenu dans les liens de la prévention.

L'intéressé et le ministère public relevaient appel de cette décision.

L'argument essentiel du prévenu était relatif à la prescription, étant précisé que les juges du fond avaient rejeté l'exception qu'il soulevait en ce sens. Il se fondait sur la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale et plus précisément sur son article 4 qui édicte une règle de droit transitoire. Selon ce texte, la loi nouvelle n'est d'application immédiate en rallongeant les délais de prescription de l'action publique que pour les infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise. Selon lui, au 1er mars 2017, jour de l'entrée en vigueur de la réforme de la prescription, il n'y avait plus ni mise en mouvement ni exercice de l'action publique, et ce en raison de la saisine antérieure de la juridiction correctionnelle et du prononcé de son jugement en date du 9 décembre 2015.

Ainsi, il reprochait aux juges du fond d'avoir au contraire considéré que les faits n'étaient pas prescrits au 1er mars 2017, date de l'entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017. Le dernier acte interruptif de prescription étant du 14 novembre 2014, les juges du fond en avaient déduit que la loi nouvelle, allongeant le délai de prescription de droit commun des délits à six ans, était applicable. Pour asseoir ce choix, ils avaient précisé que l'article 4 de la loi du 27 février 2017 invoqué par le requérant a pour seule finalité d'éviter la remise en cause de la validité des procédures en cours. En d'autres termes, cette disposition n'a pas vocation à servir de levier pour mettre en échec l'application de l'article 112-2, 4, selon lequel l'application immédiate d'une loi nouvelle relative à la prescription de l'action publique est fonction, au moment de son entrée en vigueur, du caractère acquis ou non de la prescription. Cet article occupe, à juste titre, une place importante dans le raisonnement des juges du fond. En effet, pour savoir si une loi nouvelle doit, ou non, s'appliquer à des faits commis antérieurement, il convient toujours de déterminer si, au moment de l'entrée en vigueur de la loi, la prescription était acquise. Si oui, la loi nouvelle – même allongeant le délai de prescription – ne peut pas s'appliquer. Si non, elle peut s'appliquer, qu'elle réduise ou qu'elle rallonge le délai de prescription. Cette analyse du texte précité a déjà été plusieurs fois rappelée par la chambre criminelle, et ce bien avant l'entrée en vigueur de la loi de 2017 portant réforme de la prescription.

Rappelons que cet arrêt est relatif à des faits de nature délictuelle, commis entre le 1er juillet 2012 et le 17 octobre 2012, pour lesquels le délai de prescription est passé de trois à six ans. La chambre criminelle, pour rejeter le pourvoi, se concentre sans surprise elle aussi sur la finalité du texte visé. Elle rappelle en ce sens qu'il résulte des travaux parlementaires que l'article 4 de la loi du 27 février 2017 a pour seule finalité, selon l'intention du législateur, de prévenir la prescription de certaines infractions occultes ou dissimulées par l'effet de la loi nouvelle. Ainsi, la chambre criminelle partage l'analyse de la cour d'appel et en déduit que ce texte doit être interprété restrictivement et ne saurait avoir pour effet de déroger de façon générale aux dispositions de l'article 112-2, 4, du code pénal, selon lesquelles les lois relatives à la prescription de l'action publique sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur, lorsque les prescriptions ne sont pas acquises.

 

Source : Crim. 13 oct. 2020, F-P+B+I, n° 19-87.787

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