Précisions sur les éléments constitutifs du délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité
La caractérisation du délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité nécessite que les actes poursuivis aient pour objet ou effet d'organiser ou d'aggraver l'insolvabilité de leur auteur.
La législation française réprime l'organisation frauduleuse de l'insolvabilité en matière de condamnations de nature pécuniaire depuis une loi du 8 juillet 1983 (L. n° 83-608, 8 juill. 1983, renforçant la protection des victimes, JO 9 juill. ; C. pén., ancien art. 404-1 ; v. D. 1983. Chron. 241, obs. J. Pradel ; ALD 1984. 49, obs. G. Roujou de Boubée). La répression a été étendue aux condamnations de nature patrimoniale par la loi du 31 décembre 1987 (L. n° 87-1157, 31 déc. 1987, relative à la lutte contre le trafic de stupéfiants et modifiant certaines dispositions du code pénal, JO 5 janv., RSC 1988. 554, chron. B. Bouloc ; JCP 1988. I. 3337, comm. J. Borricand). Depuis, le code pénal réprime, en son article 314-7, le fait d'organiser ou d'aggraver son insolvabilité dans le but de se soustraire à l'exécution d'une décision de condamnation de nature patrimoniale. La Cour de cassation, dans l'arrêt commenté, est venue donner des précisions sur les éléments constitutifs du délit.
En l'espèce, le jugement de divorce requiert le versement, par le prévenu à son ex-épouse, d'une prestation compensatoire à hauteur de 80 000 €. Celle-ci constitue une indemnisation ayant pour objectif de compenser la différence de niveau de vie qui résulte de la rupture du mariage (C. civ., art. 270). Il lui est reproché d'avoir organisé son insolvabilité afin de se soustraire à l'exécution de ce jugement. Sont notamment relevées la dissimulation d'un compte bancaire créditeur de plus de 45 000 € au jour de l'ordonnance de non-conciliation et l'évaluation à la baisse du montant d'un bateau dont le prévenu est le propriétaire. La cour d'appel condamne le prévenu pour organisation frauduleuse d'insolvabilité. Les juges relèvent que son comportement avait pour objectif de se soustraire aux obligations et conséquences financières de la décision du juge aux affaires familiales. Ils affirment que l'intention coupable peut être déduite de la chronologie des faits, de la pratique de ventes fictives et de l'omission de déclarer un compte bancaire créditeur. Le prévenu forme un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel. Il relève que les éléments constitutifs du délit ne peuvent être appréhendés comme étant constitués en ce que le délit consiste en une infraction de commission. Il argue d'une simple omission de déclarer un compte bancaire. Il affirme ensuite que le silence gardé sur l'existence du compte bancaire et le fait de minorer le prix du bateau n'ont aucunement pour but la soustraction à l'exécution du jugement de divorce mais seulement une minoration du montant de la condamnation, élément ne pouvant constituer le délit de l'article 314-7 du code pénal.
La haute juridiction souligne que, pour caractériser le délit de l'article 314-7 du code pénal, il importe que les actes poursuivis aient eu pour objet ou effet d'organiser ou d'aggraver l'insolvabilité de leur auteur. Le silence gardé par une personne sur un élément d'actif de son patrimoine ou la minoration de son évaluation sont sans effet sur sa solvabilité. Dès lors, le délit ne peut être constitué et la cassation est encourue. Par cet arrêt, la Cour de cassation se positionne dans la continuité de sa jurisprudence. Bien que les décisions en matière d'organisation frauduleuse d'insolvabilité soient rares, deux arrêts de 1992 et de 2006 mettent en exergue que la dissimulation de revenus n'est pas de nature à organiser son insolvabilité. La constitution du délit suppose la volonté de son auteur de se soustraire à l'exécution d'une condamnation. Ensuite, il importe de caractériser un acte matériel d'organisation ou de renforcement de l'insolvabilité, tel qu'une opération matérielle ou un acte juridique (v. P.-J. Claux et S. David (dir.), Droit et pratique du divorce, Dalloz, coll. « Dalloz référence », 2017, § 422.203). Les juges requièrent par ailleurs le constat de l'insolvabilité de l'auteur ou d'une réelle recherche d'insolvabilité.
Source : Crim. 9 sept. 2020, F-P+B+I, n° 19-84.295
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