Le port du masque peut-il être rendu obligatoire à l’extérieur de manière générale et absolue ?

Le tribunal administratif de Strasbourg est le premier – mais sans doute pas le dernier – à rappeler à un préfet que, même en temps de covid, une mesure de police ne peut pas être générale et absolue.

Alors que se multiplient les arrêtés préfectoraux imposant le port du masque en extérieur sur le territoire de l'ensemble d'une ville, voire d'un département (comme à Paris et dans la petite couronne), le tribunal administratif de Strasbourg a peut-être mis un coup d'arrêt à cette politique.

 

Dans une ordonnance du 2 septembre, il a enjoint à la préfète du Bas-Rhin de revoir son arrêté du 28 août 2020. Ce texte imposait le port du masque à tous les piétons à partir de onze ans, en tout temps, sur le territoire de toutes les communes de plus de 10 000 habitants du département.

Saisi en référé-liberté par des personnes physiques, le tribunal a analysé de façon détaillée les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé et du conseil scientifique covid-19 sur le port du masque. Il a pris en compte également les chiffres les plus récents sur la recrudescence de la pandémie dans le département. Ces éléments l'amènent à conclure qu'eu égard aux risques pour la population des treize communes concernées, au contexte de la fin des vacances « et alors qu'il est largement admis par la communauté scientifique que le masque constitue un moyen efficace pour contenir cette pandémie, la préfète du Bas-Rhin pouvait légalement en imposer le port dans lesdites communes ».

Mais, conformément à la jurisprudence classique une mesure de police administrative ne peut pas être illimitée. L'arrêté, relève le juge, s'applique du 29 août au 30 septembre, « sur l'ensemble du territoire » des communes concernées et « toute la journée » (en fait l'arrêté ne fixe pas d'horaires, ce dont on peut sans doute déduire qu'il s'applique également la nuit). « La préfète du Bas-Rhin, à qui le caractère général et absolu de son arrêté a été opposé à la barre, n'a apporté aucune justification sur ce point, alors que les dispositions […] de l'article 1er du 10 juillet 2020 autorisent uniquement le représentant de l'État à rendre le port du masque obligatoire lorsque les circonstances locales l'exigent. » Le juge estime également qu'il « ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait en permanence et sur la totalité des bans communaux concernés une forte concentration de population ou des circonstances particulières susceptibles de contribuer à l'expansion de la covid-19 ».

Prenant en compte la nécessité de sauvegarder la liberté d'aller et de venir et le respect de la liberté personnelle, mais aussi celle d'endiguer la propagation de la covid-19, le juge ne suspend cependant pas immédiatement l'arrêté. Il enjoint à la préfète « d'édicter un nouvel arrêté excluant de l'obligation du port du masque les lieux des communes concernées et les périodes horaires qui ne sont pas caractérisés par une forte densité de population ou par des circonstances locales susceptibles de favoriser la diffusion de ce virus, au plus tard le lundi 7 septembre à 12 heures ». À défaut, l'exécution de l'arrêté du 28 août sera automatiquement suspendue.

 

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