Biens mal acquis : rejet de la demande de la Guinée équatoriale en restitution d'un hôtel particulier
La cour d'appel de Paris a déclaré mercredi irrecevable la requête de la Guinée équatoriale tendant à la restitution de l'hôtel particulier parisien, saisi par la justice française dans l'affaire dite des biens mal acquis pour laquelle le fils du chef équato-guinéen a été condamné définitivement en 2021.
C'est un bel immeuble que celui du 40-42, avenue Foch, situé dans le XVIe arrondissement de Paris. Un bien bel immeuble auquel s'accroche la République de Guinée équatoriale, dirigée depuis 1979 par Teodorin Obiang Nguema Mbasogo. Cet hôtel particulier a été acquis 25 millions d'euros, plus 11 millions de travaux, par des sociétés de droit suisse aux noms exotiques pour le compte de Teodorin Obiang, son dispendieux rejeton. En 2017, son président de père l'a nommé premier vice-président, lui conférant une immunité diplomatique censée lui permettre d'échapper aux poursuites judiciaires.
Ce bel immeuble a été saisi en juillet 2012 par la justice française considérant qu'il n'était que la garçonnière de luxe de Teodorin Obiang et non une résidence couverte par l'immunité diplomatique, comme le soutenait l'État de Guinée équatoriale à qui, M. Obiang junior a cédé, en septembre 2011, les parts sociales des sociétés-écrans détenant cet immeuble. Une cession qui aurait eu pour seul but d'appliquer à cet hôtel particulier le statut de la Convention de Vienne et d'empêcher sa future saisie.
« Pas de titre de propriété »
En première instance puis en appel, les juges ont considéré que ce bien immobilier provenait du délit de blanchiment pour lequel M. Obiang a été reconnu coupable. Pour rappel, en février 2020, la cour d'appel l'a condamné à trois ans d'emprisonnement avec sursis et à trente millions d'amendes pour avoir blanchi entre 1997 et 2011 des fonds publics ou de sociétés semi-étatiques qu'il a dirigées, et ce pour assurer son « train de vie dispendieux ». Une condamnation devenue définitive après le rejet de son pourvoi en février 2021.
Entre-temps, la Guinée équatoriale a saisi la Cour internationale de justice à propos de ce bien bel immeuble revendiqué comme lieu consulaire et dont elle se considère comme propriétaire. Las, en décembre 2020, cette juridiction internationale a considéré que la Convention de Vienne ne pouvait s'appliquer au 40-42, avenue Foch. Cela n'a pas découragé l'État équato-guinéen de déposer début 2022 une requête en restitution estimant qu'il était le seul et unique propriétaire de ce luxueux immeuble ; qui ne pouvait être saisi par la justice française pour les faits reprochés à Teodorin Obiang.
Pour rejeter cette requête, la cour a considéré que l'État équato-guinéen ne présentait aucun titre de propriété de cet immeuble. Selon la cour, la cession des parts sociales entre le fils du dirigeant du pays et l'État ne correspond pas aux exigences légales de possession et de disposition, indique-t-on de source judiciaire. Par ailleurs, la cour a jugé que cette requête s'analysait comme un artifice destiné à entraver l'exécution d'une décision de justice définitive.
« C'est indécent de saisir une juridiction alors qu'on ne dispose pas d'un début d'argument sérieux », a déclaré à Dalloz actualité l'avocat de Transparency International France, Me William Bourdon. « C'est absurde et pathétique », a-t-il ajouté. Me Kevin Grossmann, avocat de la Guinée équatoriale, a indiqué qu'il allait se pourvoir en cassation. « Il ne faut pas confondre les entités que sont l'État et le pouvoir exécutif. L'État est déterminé à faire valoir ces règles essentielles et l'État est propriétaire de cet immeuble », a-t-il indiqué à Dalloz actualité. L'avocat de M. Obiang, Me Emmanuel Marsigny, n'a pas souhaité réagir à cette décision, rappelant que l'immeuble n'appartenait plus à son client depuis 2011.
Par Pierre-Antoine Souchard
© Lefebvre Dalloz